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Jane Hervé, le gué de l'ange

poésie des images et des lettres

LES BIJOUX DE CLAIRE

Photo Melinda-zand, deux photos Grazia.
Photo Melinda-zand, deux photos Grazia.
Photo Melinda-zand, deux photos Grazia.

Photo Melinda-zand, deux photos Grazia.

Le Pré Boulay où l’amie Claire officie,  menant de front avec son époux diverses activités d’accueil culturel, attire par son élégante générosité. Des heures de liberté verte dans le parc, des visites d’amis et des discussions à faire, refaire et défaire le monde autour de la large table ronde. Là, une tablée toujours variée.  les Chevaliers et Chevalières ( !)  de l’intellect qui y sont invités officient avec joie.  Réinventer les mots à travers l’œil poétique et sensuel de Colette, pester contre la pourriture du monde à l’écoute de Jean-Baptiste,  s’amuser avec Leo-Paul à élaborer de nouveaux dictionnaires, visiter le jardin exotique concocté par Chantal ou observer Bernard tapant sur le clavier ses souvenirs d’enfant bellevillois… Une sorte de rituel dont le confort me comble toujours. Tout semble possible près du feu qui brasille et brésille, exaltant les phantasmes des uns et des unes, se livrant dans la lignée Bachelard à l’exhumation de bouts de passé.

                                                           *

 

La pièce inconnue

Lors d’un petit déjeuner copieux avec Claire et au moins trois confitures fait maison, l’invitée - alias Moi - constate :

- C’est étrange, je connais toutes les pièces de ta demeure sauf une, la chambre à coucher. 

Ce n’était pas une revendication, mais un simple constat journalistique. Il était normal que l’intimité du couple soit protégée. Je n’avais jamais essayé de pousser la porte d’ailleurs toujours ouverte ! D’autant que je ne séjournais pas chez Barbe-Bleue.

-Facile à visiter, réplique Claire efficace. On y va tout de suite.

 

Impossible de refuser cette proposition si spontanée. Sitôt dit, sitôt fait.  Je suis  Claire qui grimpe l’escalier quatre à quatre – et même plus si elle avait pu - jusqu’aux combles aménagées. La chambre est  de couple, autrement dit avec un lit à deux places. Evident, ma chère curieuse.  Sous les toits, je ne vois qu’un seul meuble qui m’appelle avec force : la commode supportant un porte-bijoux. Claire avait jadis manifesté une vive sensibilité au cadeau d’un porte-clés turc. Bleu avec des pendeloques, des yeux protecteurs, des pompons. Le plaisir de recevoir égalait de celui de donner. Un terrain commun. Je projetais sur ce dessus de commode le déploiement de mille et une traces semblables d’amitié semblable. Irisée.

- Ici, c’est tout un monde, dis-je en désignant le meuble.

- Un jour, je te raconterai, répliqua-t-elle.

 

Les mois ont passé car Claire est très occupée. Vers la mi-mars, elle a envisagé de me répondre, mais n’est parvenue à le faire que récemment. Elle a alors entamé l’inventaire de ce qui « côtoie (son) porte-boucles d’oreilles à quatre étages » posé sur la commode. 

Sur un petit support, se trouve «  une broche délicate avec résille et plumes d’oiseaux et un pendentif ovale argent et malachite, une pendulette supportant trois colliers magiques car tous cadeaux d'anniversaire, un somptueux masque vénitien noir orné de perles dorées, acheté à la caverne de Nooz-Baba (Où est donc ce lieu mystérieux!), un flacon de Room spray « Côté Bastide-Ambiance campagne -90°- Souvenir de l’été-50ml - made in France » rempli depuis des années d’eau de Cologne lavande, un vide-poche en cuir marron où dorment des colliers de perles colorées, des bracelets, une montre qui ne sait plus l’heure, un minuscule étui d’un nécessaire à couture Phildar, une broche papillon or et strass, 

une dalle en verre transparent qui est le réceptacle de bracelets en nacre, en vrai et faux argent, en faux or  et sur lesquels somnole un petit peigne à cheveux en acier orné d’une fleur à quatre pétales en verre blanc laiteux,  un micro cadre avec un tableau de Nicolas de Staël édité sous forme de timbre par la Poste, une bonbonnière en faïence peinte de motifs naïfs (attention elle est fermée, on ne peut savoir ce qu’elle contient). Sur le mur, au dessus de la commode en chêne qui accepte tout cela sans émotion, deux éventails dépliés et épinglés: un à gauche qui est noir et vert avec des motifs peints en blanc, et un à droite qui est noir avec des motifs floraux très foncés, les deux sont offerts par des marques. Celui de gauche est de marque Fuxia (je viens de comprendre que c’est une chaine de restaurants). Celui de droite est Thales dont le cours de l’action aujourd’hui est à 85,96€ (-1,22%). Ce n’est pas tout. Au centre, il y a un petit livre japonais (à vue d’œil environ 10 cm sur 16) en tissu imprimé de motifs de chats, cadeau de notre amie Maud au retour d’un voyage au Japon ».

Un amie Maud qui « manque » à Claire.

 

                                                        *

Alors Moi, de mon loin parisien, je reconstruis l’univers de Claire, tout en affabulant sur « le genou de Claire » (1).  Rien à voir, certes. Un univers de matières et de formes : de nacre et de strass et de faïence et de malachite et de plumes,.. modelés en éventails et en peigne, en bonbonnière et en papillons, et de surcroît  parfumés à la lavande. J’aime surtout « la montre qui ne sait plus l’heure »  et la commode « qui accepte tout sans émotion ». Une façon de révéler que les choses ont une âme qu’il suffit d’écouter. « Au centre », enfin….Tout conduit à l’amitié de Claire pour Maud. Dois-je dire qu’elle me réjouit, que tous ces objets disposés sur cette commode magique conduisent à cette amie Maud. Les mots dansent alors sur mon écran : la mie Maud, la mi-Maud, à mi-mots. Un jour peut-être la connaîtrais-je ?

 

Jane Hervé

(1) de Röhmer.

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