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Jane Hervé, le gué de l'ange

poésie des images et des lettres

On  ne revient pas du revenu universel 

On  ne revient pas du revenu universel 

Depuis plus de cinq siècles, l’idée de revenu universel fait son chemin couci-couça. Une idée qui roule, mais qui n’a pas amassé trop de mousse au cours des siècles, tant la méfiance des riches était puissante.  Ceux dont les poches emplies d’or et de diamants craignaient tant d’être contraint à vider leurs coffres. Mais cette « idée » perdure néanmoins, roule et se déroule au fil des siècles et des générations. Ce « revenu » si particulier se définit comme une rétribution, l’équivalent d’un salaire (pas tout à fait salarial bien sûr) soit en nature soit en monnaie distribué à tout être humain afin qu’il vive et parfois survive. Un concept à fignoler.

Comment imaginer ce revenu pour tous à partir de notre naïveté et de nos privilèges actuels? Il est une sorte de manne partagée, un potlatch (1)  new look réadapté. Cette attitude magnifique d’un groupe (que Mauss a étudié chez les amérindiens, mais qui est pratiquée dans les Indes et certains groupes du Pacifique) cumule le partage et le don. Chacun donne à l’autre un objet personnel, l’autre lui offre en retour un autre objet à l’importance équivalente. Un tel comportement  tisse des liens entre les hommes et élabore une certaine humanité (que j’apprécie hautement). Si l’on remplace cette notion d’objet par celle d’un revenu d’un donateur à un contre-donateur, on parvient à reconstituer une société avec les morceaux si épars des biens et des humains contemporains. Il suffira d’adapter le don et le contre-don à la capacité étatique d’être un Etat-providence et aux besoins d’intérêt général d’une société donnée. Une solidarité bénéfique aux citoyens.

 

De Thomas M à Thomas P, une histoire

 

Dès 1516, Thomas More imaginait le premier dans son île fictive Utopia d’instaurer un revenu universel transmis sans que le travail n’intervienne. Il est vrai que l’U-topie (U =absence, topos lieu) est un lieu qui n’existe pas et que cette manne hypothétique n’a jamais eu de réalité.

En 1748, dans L’Esprit des Lois,  Montesquieu estime que « l’ Etat doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la  nourriture, un vêtement convenable et un genre de vie qui ne soit pas contraire à sa santé ». «  L’Etat » évoqué par ce traité politique est  à traduire comme « tout Etat ». Ce qu’il doit faire est une équivalence descriptive du revenu pour tous. De fait, cette conception renvoie celle du gouvernement par Montesquieu : « Pour principe de la division des gouvernements la différence de un et de tous, il faut évidemment y introduire, comme intermédiaire, le gouvernement de plusieurs : car il y a autant de différence entre plusieurs et tous qu’entre un et plusieurs ».  Il se peut donc que le gouvernement de plusieurs (démocratie) soit plus propice à aménager un revenu pour tous (cad moins éloigné du "tous" que ne l'est le "un"!.

En 1957, le pasteur  Martin Luther King,  confronté à la pauvreté des minorités (noires et autres), envisage un revenu annuel pour tous, garanti par la société. Un rêve qu’il n’est – hélas – pas parvenu à concrétiser en ce pays alors clairement raciste.

En 1960, l’économiste Milton Friedman propose l’instauration d’un «  impôt négatif sur le revenu », alimenté par un dispositif d’allocation gouvernementale. Nixon reprendra le projet sous forme de « revenu annuel garanti pour les familles avec enfants ». Sans plus de  succès.

En 1996, le philosophe André Gorz  assemble la pensée de Montesquieu d’un « revenu d’existence » et celle  de T. More de mise à l’écart du travail. Il revendique et ébauche l’idée d’un « revenu inconditionnel suffisant » (2).

En 2017, l’économiste  Thomas Piketty estime « le revenu universel crédible et audacieux ». Il cherche les conditions concrètes de sa mise en place (3). Il concernerait les jeunes et les bas salaires, serait relié à « la réforme fiscale et au salaire juste » et s’inscrirait dans une politique plus large de justice et de solidarité.

 

Le discours politique à mettre en pratique

Aujourd’hui, Benoit Hamon (mouvement Génération) soutient  fortement ce projet en une période où la pandémie paupérise le monde entier (hormis les secteurs pharmaceutiques !). Il soutient  que le « revenu universel arrache de la tyrannie du court terme de la pauvreté ». Mise en pratique ? Paris va tester ce « revenu universel » pour sauver ceux que la pandémie a jeté dans la pauvreté. Une  promesse de campagne d’Anne Hidalgo est donc en train de se concrétiser. Un formidable progrès pour le monde des pauvres, des démunis et des défavorisée.

Et après ? Ce « tous », c’est qui ? Les Européens ? Les migrants d’Afrique et du Moyen-Orient… Penser à l’un est-ce  penser à tous à travers lui.

Jane Hervé

(1) Potlatch, étymologie chinook, donner. Terme des Indiens d’Amérique du Nord au XIXème siècle et mœurs analysés par Marcel Mauss dans son ouvrage Essai sur le don.

(2) https://www.revenudebase.info/actualites/andre-gorz-revenu-inconditionnel/

(3) https://www.youtube.com/watch?v=kABcKnD5Llc&ab_channel=FondationJean-Jaur%C3%A8s

 

 

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