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Jane Hervé, le gué de l'ange

poésie des images et des lettres

La lune est lunatique et moi ?

Photo Our earth

Photo Our earth

La lune est un nuancier céleste à elle seule.  Une vraie lune attique ! Lorsque la belle nocturne se laisse immortaliser, elle  se module en 48 couleurs variées (1). Comme si la solitaire avait des états d’âme toujours révélés au cours de sa pleine lune.  Comme si la capricieuse s’affublait d’étoles ou de robes au jour le jour. Elle est parfois discrètement bleue, elle frôle parfois le vert-de-gris, elle se montre parfois brunie ou halée ou roussie, elle rougit parfois d’émotion avant de virer à l’ocre, elle est parfois d’un jaune atrabilaire, elle se veut parfois d’un jade à l’asiatique, elle est parfois d’un violacé presqu’éthylique et par exception elle est sublimement violette. Comme si elle hésitait dans son choix de parures !

Nous lui attribuons des noms liés à nos saisons et à nos cultures terrestres ou mentales, lui imposant notre anthropomorphisme maladif. Ainsi la Lune rose n’est pas plus rose qu’une rose jaune, mais elle se manifeste au printemps avec les floraisons. Ainsi la Lune rousse n’est pas plus rousse que les cheveux teints au henneh ; mais sa lunaison surgit tout simplement après Pâques, en cette période où les jeunes pousses naissantes sont parfois roussies par des gelées imprévues. Ainsi la Lune bleue n’a de bleu que le nom, et la Super lune bleu de sang – j’aime bien ce nom  à la Lorca – n’est qu'un produit de grand hasard (2).

                                               *

Après tout, la lune  si privilégiée dans nos phantasmes, ne fait que renvoyer la lumière solaire. Un reflet alors ? Une apparence alors ? Si la lune paraît changer de teinte selon diverses périodes de l’année, c’est une illusion. Dame la Lune garde toujours la même couleur, secrètement immuable. Elle fait plutôt grise mine – de nature -  car elle n’a pas d’atmosphère ni d’eau (hormis glacée et récemment découverte). La Nasa (3), grande experte en lune, la perçoit d’un gris teinté de brun. Pourquoi cette teinte fluctue-t-elle sous nos yeux?  Le coloris instable serait-il lunatique ? La science  propose une réponse : notre perception combine notre angle de vision et la composition de l'atmosphère terrestre. Or l'atmosphère terrestre a sur elle des effets variés, lui donnant d’autres couleurs que la couleur réelle (4). Plus  l’astre descend vers l’horizon, plus la lumière reçue traverse une épaisseur importante d’atmosphère, en s’appauvrissant peu à peu avec les longueurs d’onde les plus courtes !

Pourquoi rouge ? Elle peut être rouge ou jaune à l’approche de l'horizon. La lumière bleue se disperse alors sur une longue distance. Avant d’atteindre la surface de la terre, le clair de lune rencontre des particules atmosphériques et des poussières. Pourquoi bleue ? La lune bleue, très rare,  illumine le ciel nocturne lorsque ces particules de poussière de l'atmosphère sont plus grosses. La lumière du spectre bleu atteint la surface sans subir de dispersion en route. La lune violette, elle, résulterait probablement de la  combinaison de plusieurs effets encore méconnus (Nasa). Ce n’est donc pas de la prestidigitation céleste !                                 

*

 

Mais la lune est aussi sur terre à sa façon. Il y a quelque part sur notre planète des montagnes dites de la Lune : El valle de la luna en Bolivie, proches de La Paz. Des montagnes et vallons d’argile, tous chaotiques, qui hésitent du beige clair au beige bruni. Déchiquetés à souhait, ils s’effritent en milliers de stalagmites sous nos yeux. Des cheminées de fées qui pourraient être de sorcières !

Je les ai vues. Elles m’ont même fait grincer des dents (!) rien qu’en les regardant. Il y a quelques photos de moi-même, peu amène, juchée sur un bout de ces lunes émiettées dans une version sud américaine. « Suis-je dans la lune ou suis-je mal lunée ? », ai-je alors demandé à mon compagnon qui a retrouvé et daté les photos. C’est moi, jadis ! C’était moi jadis ?

Ainsi en est-il de ma présente rêverie en dérive, ce «clair de lune de la pensée », dixit Jules Renard. Il me reste à regarder le ciel...

 

Jane Hervé

 

(1) Photos prises en différentes régions d’Italie  en dix ans.

 (2) La super Lune bleue de sang serait à la conjonction de trois évènements (Bernard  Valeur): lune au périgée de son orbite (donc super), deuxième pleine lune du mois (donc bleue), éclipsée par le Soleil (donc de sang). La simultanéité est fort rare, environ une fois tous les 265 ans. Cette super Lune est imperceptiblement plus grande que la normale.

(3) Sources : Our earth, Nasa, Wiki Astroreality, Bernard Valeur, Quand la Lune se pare de couleurs… véritables, symboliques ou conventionnelles, Couleurs dans le ciel et l'espace, in social9.

(4) La lumière se diffuse dans toutes les directions grâce aux molécules et aux poussières de l’air et d’autant plus efficacement que sa longueur d’onde est courte. Ainsi, les longueurs d’onde correspondant au violet, bleu, vert… sont successivement atténuées et la lune nous apparaît progressivement jaune, orangé, rouge.

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Merci Helen de cet envoi Fesse de Bouc qui force à penser le monde autrement.

 

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