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Jane Hervé, le gué de l'ange

poésie des images et des lettres

PERCEVOIR, MAIS QUOI ?

Source zoo portraits et Jane Hervé
Source zoo portraits et Jane HervéSource zoo portraits et Jane HervéSource zoo portraits et Jane Hervé

Source zoo portraits et Jane Hervé

Notre perception humaine s’appuie sur nos sensations et se représente le monde alentour par ce biais. Une formidable faculté. Comment le monde nous apparaît-il ? Ainsi nous ne voyons que les trois faces d’un dé, mais nous percevons néanmoins un cube (Alain).  Que se passe-t-il en nous ? Fait-on la synthèse des données de nos sens ou percevons-nous une forme déjà structurée (la Gestalt) ?

 

Faisons bouger ce monde là. Bouleversons la donne de nos organes et de nos capacités. Imaginons pour les hommes une autre perception : des hommes-fourmis, des hommes-chauve-souris, des hommes-chiens, des hommes-tyrannosaures…Les humains seraient autres, évidemment. Ils se dirigeraient avec un nouveau GPS : pourquoi pas l’écholocation comme les chauves-souris, pourquoi pas les phéronomes comme les matous ? On peut même aller plus loin en pensée. On peut se demander si ces pouvoirs existent déjà en nous, larvés, tapis au fond de notre mémoire, à l’abandon en quelque sorte. Il se peut même qu’ils soient sollicités à notre insu, comme l’odeur dans les relations amoureuses… Il se peut qu’il y ait mille façons d’être un être vivant. Une exploration en perspective.

                                *

Des animaux non humains et  humains

Pour ce découvrir, les scientifiques interrogent désormais les animaux  non humains, volontiers répercutés par les documentaires animaliers. Comment voit une pieuvre, est-ce par le toucher ? Comment parle un éléphant qui barrit, communique-t-il en infrasons inaudibles pour l’homme ? Comment récrimine le chameau qui blatère ? Les ancêtres dinosaures se reniflaient-ils les uns les autres ?  Comment comment ?  Chacun vit dans un monde particulier qui découle précisément des perceptions à sa disposition : l’éléphant ne se comporte pas comme l’aigle, la fourmi ne se comporte pas comme un poisson rouge. Et l’homme ?

Voila qui remet en question les cinq sens appris à l’école (ouïe, vue, audition, toucher, odorat). Ne sont-ils que basiques ?  En existe-t-il d’autres ? Ainsi la chimioréception concerne les réactions des êtres vivants à divers agents chimiques externes, lesquels engendrent une action spécifique. Ainsi la mécanoréception explore les récepteurs sensoriels (peau, viscères). Ainsi la proprioception permet de saisir,  via les récepteurs musculaires, la position des différentes parties du corps. Amusons-nous à réinventer un golem (1) cumulant et croisant toutes ces perceptions décrites ci-dessus et les intégrant même à un vaste ensemble réceptif (les perceptions  ci-dessus n’étant bien sûr que des sous-ensembles d'une théorie des ensembles). Comme si nous n’étions finalement que les embryons de nous-mêmes.

Est-ce un chapitre darwinien à rajouter à l’évolution des espèces ?  Que faire de ce « monde propre » (2), de cet environnement sensoriel varié car propre d’une part à chaque espèce et d’autre part chaque individu particulier. Serions-nous surtout déterminés par la biologie ? Nous les animaux humains, tout comme les animaux non-humains. Benoît Grison, docteur en sciences cognitives (3), explore ces mondes propres à notre grand plaisir. Il raconte les rongeurs spermophiles qui camouflent leur odeur en s’imprégnant de celle des mues de crotales prédateurs. Il raconte les moutons qui mangent les plantes comestibles et se maintiennent ainsi en bonne santé. Il raconte les mouches qui apprécient leur monde par l'intermédiaire de leurs pattes. Il raconte la grenouille de Gardiner dont la bouche sert d’oreille. Il raconte les chauves-souris qui « voient » avec leurs oreilles. Il raconte  les poissons qui palpent leurs voisins à distance. Il raconte les singes qui s’épouillent tandis que leur hypophyse libère des endorphines atténuant la douleur…

Un exotisme perceptif qui ne manquera pas de donner des idées aux inventeurs et aux créateurs et aux imitateurs en panne d’idées. Pour les mettre au service de l’homme ? Pour s’assurer qu’ainsi les hommes restent maîtres et possesseurs de la nature ?!
Jane Hervé

 

  1. Golem, embryon en hébreu. Selon la légende juive, un être vivant artificiel géré... par un parchemin posé sur son front.
  2. Umwelt , milieu animal et milieu humain du biologiste Jakob von Uexküll et du zoosémioticien Thomas A. Sebeok (oouvrage : je pense que je suis un verbe)
  3. Benoit Grison, JNE, docteur en sciences cognitives, Les portes de la perception animale, Ed. Delachaux et Niestle.
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