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Jane Hervé, le gué de l'ange

poésie des images et des lettres

LE CHAT BLANC DE PERROS-GUIREC

Source le jardinage.lemonde.fr.

Source le jardinage.lemonde.fr.

Conte réel.

La location saisonnière était agréablement aménagée dans un pavillon. Ce dernier donnait directement sur le boulevard du Linkin. Une terrasse opportune, placée sur le devant, s’ouvrait sur le bassin de natation de Perros-Guirec. Le salon du rez-de-chaussée avec de larges fenêtres était réservé à l’épagneul black-and-white de nature expansive et au chat gris tigré particulièrement  discret. En apparence paisible, le félin dédaignait les caresses mais se muait en tigre à des moments incongrus et indéfinissables.

                                              

Le couple d’amis qui recevait Elsa (1) avait disposé, d’étage en d’étage, des tableaux géants d’inspiration africaine réalisés par le mari plasticien. Des masques bamilékés scarifiés en face à face, des vagues multicolores enchevêtrées et soulignées de noir, jusqu’à  une moto furieusement vrombissante d’un rouge ardent. L’incroyable prolifération de couleurs violentes à l’état brut et contrastées s’y déployait, cherchant l’équilibre impossible dans le déséquilibre. Le regard d’Elsa avançait dans cet impossible.

 

                      *

Les jours passèrent hantés par la lumière et le vent des cotes bretonnes. Au second étage, la chambre réservée à Elsa était contiguë à  une salle de sport. Meublée de façon rudimentaire, cette dernière était néanmoins adaptée aux caprices des vacanciers avec son tapis de sol, son vélo et même ses haltères. Comme oubliées de locataire en locataire. Elsa qui n’avait rien de sportif la traversait, comme une terre étrangère, pour rejoindre le lit bas aux draps mauves sous les combles. Là, elle s’adonnait à la lecture jusqu’à ce moment délicieux  où les paupières glissent sur la cornée en masquant l’iris et le monde.

                                              

Elsa circulait volontiers à cet étage pour rejoindre la salle de bains exiguë et hexagonale, d’une blancheur souveraine, laquelle faisant également office de toilettes. Une nuit, elle se leva pour la rejoindre. La lune, qui était pleine, éclairait l’espace en le rendant laiteux. Sur les murs s’esquissaient même des reflets moirés. Elsa à l’esprit pratique avait laissé entrouverte la porte d’entrée.

Elle entendit soudain un crissement, une sorte d’infrason s’étirant du côté de l’ouverture. Elle vit alors  la porte légèrement entrouverte s’ouvrir avec une inexorable lenteur. Elle misa sur un courant d’air entre lucarnes et fenêtres, surprise pourtant de ne pas le sentir sur ses joues ou ses cuisses. Elle vit alors un chat d’une blancheur absolue se coller à cette porte tout en la poussant de côté, la queue en l’air.

Croyant reconnaître le chat de la maison de nature plutôt sauvage, Elsa ravie de sa montée à l’étage murmura : « Minou». Elle décida de le caresser, mais le félin avançait. Il contourna alors  la porte avec un feulement insolite. Elle bondit pour le rattraper, poussa la porte désormais grande ouverte. Elle tendit la main pour le toucher.

Derrière de la porte, elle ne vit que le vide.  Ca alors ! Le chat avait disparu avant même d’atteindre l’escalier de bois situé pourtant à quelques mètres. Le félin s’était estompé, effacé, gommé dans l’air plus sombre. Incompréhensible. Un eraser cat !

Elsa frissonna. Elle se souvint que le chat de la maison était tigré ett n’était jamais monté à l’étage. Ce matou mystérieux était-il entré par une fenêtre ? Toutes étaient fermées. Elle comprit alors que le chat blanc venait de l’intérieur du pavillon. Avait-il traversé les murs pour y revenir ? Nul  doute. Il avait vécu ici, jadis.

Elsa frissonna une nouvelle fois, sentant que tout le passé de la maison inconnu lui revenait en une connaissance paradoxale. Cet étage était jadis un grenier pour les anciens propriétaires, possesseurs d’un chat blanc, très blanc. Cet animal fantomatique, passant à travers la nuit de Perros-Guirec,  était le réceptacle d’esprits inconnus. Elle retourna se coucher. Elle remonta sur ses épaules les couvertures qui lui parurent protectrices. Elle refusa de continuer à trembler.

Le lendemain au petit déjeuner, Elsa vérifia que le chat tigré n’avait pas blanchi sous la pleine lune.

 

  1. Elsa, étymologie elisheba en hébreu, Dieu est plénitude

Jane Hervé

 

A Didier et Marie-Joëlle

Pour  info 1. : Jane Hervé sur Antoine Vitez, Recours au poème, mai-juin 2021.

 

Pour info 2 : une réparation informatique nécessaire m’interdira l’accès à cet ordinateur.

 

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