25 Janvier 2021
Quelle cause ?
L’une des causes pourrait être l'appauvrissement du langage (2) . Plusieurs études montrent la diminution de la connaissance lexicale et l'appauvrissement de la langue. Il ne s'agit pas seulement de la réduction du vocabulaire utilisé, mais aussi des subtilités linguistiques qui permettent d'élaborer et de formuler une pensée complexe.
La disparition progressive des temps (subjonctif, imparfait, formes composées du futur, participe présent et participe passé) donne lieu à une pensée presque toujours au présent, limitée car elle s’avère incapable de projections dans le temps.
La simplification des enseignements, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont des exemples de « coups mortels » à la précision et à la variété de l'expression. Juste un exemple : supprimer le mot « jeune fille » (désormais désuet) ne signifie pas seulement abandonner l'esthétique d'un mot, mais aussi promouvoir involontairement l'idée qu'il n'y a pas de phases intermédiaires entre une enfant et une femme.
Moins de mots et moins de verbes conjugués impliquent moins de capacité à exprimer les émotions et moins de possibilités d'élaboration d'une pensée. Les études ont démontré que la violence dans les sphères publiques et privées provient directement de l'incapacité à décrire ses émotions à travers les mots.
Avec moins de mots pour construire un raisonnement, la pensée complexe est rendue impossible. Plus le langage est pauvre, plus la pensée disparaît.
L’histoire est riche en exemples et de nombreux livres (1984 de Georges Orwell, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury) ont raconté comment tous les régimes totalitaires ont toujours entravé la pensée, par une réduction du nombre et du sens des mots. S’il n'y a pas de pensées, il n'y a pas de pensées critiques. Et il n'y a pas de pensée sans voix.
Comment peut-on construire une pensée hypothético-déductive sans conditionnel? Comment peut-on envisager l'avenir sans conjugaison au futur? Comment peut-on capturer une tempête, une succession d'éléments dans le temps, qu'ils soient passés ou futurs, et leur durée relative, sans une langue qui distingue ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est et ce qui pourrait être, et ce qui sera après ce qui aurait pu arriver?
Pratiquer la langue
Il faut enseigner et pratiquer la langue sous toutes ses formes, même les plus différentes, même si ça semble compliqué et surtout si c'est compliqué. Parce que dans cet effort il y a la liberté.
Ceux qui affirment la nécessité de purger la langue de ses ′′ défauts ", d'abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée la complexité, sont les vrais artisans de l'appauvrissement de l'esprit humain.
Il n'y a pas de liberté sans nécessité. Il n'y a pas de beauté sans la pensée de la beauté ».
A réfléchir, donc !
(2) Source : Christophe Clavé, Diplômé de Sciences-Po Paris.
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Pour une info narquoise sur l’alexandrin ou le sizain:
https://paul-teurgaist.net/2020/11/deux-fois-six-pieds-sous-terre.html