Comparer? Quels échos?

23 Octobre 2020

Squelettes à scoliose d'Eric Babaud, grand dispensateur d'art postal.

J’ai « partagé » hier matin le blog d’actualité d’Eric Babaud.

http://ericbabaud.over-blog.com/2020/10/quels-progres.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

Ce blog proposait une série de photos comparatives, lesquelles faisaient le grand écart dans le temps. Cet intervalle de temps engendrait deux visions radicalement différentes du même monde. Le comparatif, certes brouillon, avait une finalité humoristique ridiculisant le « progrès ».

Quel contenu ? Ainsi côté politique, le russe Staline (1945) à Yalta est confronté à un Poutine au poitrail nu à cheval sur son bidet (2019); l’english Churchill (1945) est suivi par Boris Johnson l’embroussaillé aux yeux exorbités (2019) ; Franklin Roosevelt le distingué US frileux (1945) cède la place à Trump le clown hystérique bien maquillé (2020). Côté habits, le jeune bourge était affublé d’un costume cravate avec chapeau (1940), tandis que l’ultra-débraillé (2019) porte un baggy, le pantalon sans ceinture qui descend le long du fessier – et même plus – sur le modèle des prisonniers américains.…. Côté santé, le jeunot Gérard Depardieu aux biceps alléchants d’hier s’est mué aujourd’hui en Depardieu-Obélix. Côté virilité, le mâle portait jadis un maillot de bain à fleurettes (1996), mais aujourd’hui il se tatoue tout le corps de fleurs alambiquées (2016). Côté dames, les femmes tirant la charrue comme des forçats (forçat.es ?)(1913), se comparent aux demoiselles style Véronique et Davina en pleine séance de fitness (2013). Côté enfants, les gamins envoyaient en l’air un cerf-volant il y a dix ans de cela (2009), aujourd’hui ils manipulent des drones téléguidés (2019). Côté scolaire, l’élève qui offre des fleurs à sa prof (1968), puis braque en 2018 un revolver sur sa tempe (1). *

Nul doute, le monde a terriblement changé en un siècle et même en 50 ans, souvent à notre insu. Comparer incite à juger, à méjuger, à critiquer pour rire brièvement des différences. Avec moi, ça a marché. Cependant cette comparaison suggérée suscite des réactions diverses de mes amis. Jules enthousiaste a « envoyé le tout à la famille proche, femme et filles ! », Marine modérée trouve ça « pas mal du tout ». Seule Eve est révulsée. Cette « cribleuse d’actualité », conteste une telle présentation d’évolution des mœurs. Ses arguments sont d’un grand sérieux. « Il n’est pas possible d’intégrer "ce passé" dans notre présent, précise Eve. Il s’agit d'événements et de comportements-clichés. Or nous sommes dans un bain de vie contextuel qui ne peut pas être réduit à ces événements, même si ceux-ci ont eu de fortes conséquences. ». Elle prend farouchement le parti de la liberté d’expression des uns et des autres : « Le "c'était mieux avant" nous isole dans un mensonge romanesque, d'où le progrès est exclu. Si Depardieu a pris 90 kg, c'est qu'il l'a choisi et qu'il le dit. Si les gens se coiffent et s'habillent comme ci ou comme ça, c'est qu’ils choisissent de le faire. Si des personnages peu recommandables sont élus à la tête de l'Etat, c'est qu'une majorité de gens l'ont voulu».

Elle reconnaît néanmoins que « des forces contraires sont actuellement en présence et que leur affrontement crée nécessairement de la violence ». Il y a « le refus de la dictature capitaliste et de ses effets (sur notre quotidien) et le refus des sous-dictatures qu'elle engendre (« Vous avez 4 heures » pour faire ci ou ça) ». A traduire donc : continuez à vous soumettre tous azimuts. « Cependant cet affrontement provient d un niveau de conscience et d'information, justement développé par le progrès, continue Eve. Nous sommes dans le bouillonnement du changement de schémas imposés, avec des forces qui ne veulent pas que ça bouge, ni renoncer à leurs prérogatives. C'est logique et cette logique avance. Il nous faut dégommer pour intégrer ! »

*

Ainsi nos pensées frémissent et mijotent dans l’immense chaudron de ce présent difficile. Derrière le rire de ces comparaisons si anarchiquement proposées, il y a une interrogation sur le prétendu progrès. En ce sens, comparer permet éventuellement d’approfondir en s’esclaffant (Moi), en informant (Jules) ou en rationalisant (Eve). Preuve certaine que nous vivons – encore - dans une démocratie ! A la vie à la mort…Ce pourquoi j’illustre cet article par les squelettes narquois dansant la gigue de l'auteur du blog.

Jane Hervé

(1) Le second dessin résonne autrement, avec une force décuplée, après l’assassinat de Samuel. Et qui montre que toute modélisation se module et se transforme avec l’actualité.

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Collaboration octobre Jane H. revue Recours au poème :

https://www.recoursaupoeme.fr/author/jane-herve/