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Jane Hervé, le gué de l'ange

poésie des images et des lettres

DROIT, LES PLANTES NON HUMAINES

L'arbre mauve. Source inconnue.

L'arbre mauve. Source inconnue.

Part III. Hier et avant-hier part I et II.

 

Plantes et arbres sont des êtres particuliers. La prise de conscience de leur importance planétaire nous contraint désormais à nous interroger sur leurs droits. Une démarche qui repense le monde. La forêt d’Amazonie, les pins des Alpes ou les palmiers de Palmyre pourraient-ils d’abord avoir des droits, eux aussi ? Qui les leur donnerait ? Et ensuite quels droits ? Nous sommes au commencement de cette réflexion, bien loin d’un code civil pour les pissenlits ou d’un code pénal pour les banyans ou d’un néo-code indéfini surveillant les migrations des oliviers ou l’esclavage des plantes sous divers pesticides-fongicides-herbicides? 

Une chose est sûre le mot « arbre » occupe désormais le terrain médiatique et éditorial : l’un se prend ici pour un arbre, l’autre fait de l’arbre un monde, etc…Tilleul ou ginkgo, cerisier ou séquoia, peu importe… Il semble que dans l’asphyxie présente du monde, regarder ou toucher ou penser un arbre dans tout l’éclat de sa verdure équivaut à respirer une goulée d’air frais. Sa photosynthèse et son art de transformer par métabolisme deviendraient-ils un élément de notre survie dans le désastre écologique présent ?

                                                           *

Entre les hommes et les plantes

Ce pourquoi, il faut s’interroger de façon plus terre-à-terre! Comment situer les plantes dans la diversité des sujets de droit ? Géraldine Aïdan, chercheure au CNRS, est  juriste novatrice et docteure en droit (1) tente de le faire.  Elle distingue les comportements humains et les non humains (animaux, fleuves, arbres). Les hommes peuvent ester en justice pour obtenir des réparations. Ce n’est pas le cas des arbres qui ne comprennent pas la juridiction ! Que faire ? Il faut donc un « gardien » qui représente les intérêts de l’arbre. Quel est le meilleur représentant ?

                                                    *
Notre rapport aux plantes et à la nature est en train de changer. Les démarches de reconnaissance vont de plus en plus vers le non-humain : la nature comme la terre-mère (Pacamama en Bolivie), vers les deux fleuves (Gange et Yamuna en Inde), vers les animaux (certains singes).

                                                                                  
Le droit positif (lois et coutumes) tend à reconnaître cette entité non humaine liée à l’intériorité (ex dans le domaine animal : souffrance du chien, vie sensible des animaux). La même démarche se tisse autour des arbres au fur et à mesure de la reconnaissance de leur intelligence, de leur mémoire, et de leur perception de l’environnement. Cette intériorité devient « un lieu de rencontre entre l’humain et le non humain ». C’est la fin de l’anthropocentrisme !


Cela changera complètement notre rapport au monde (voir Aristote, partie I).  Notre orgueil d’humain en prend un coup. En effet, cela implique que l’humain soit un sujet de droit parmi d’autres sujets de droit (les animaux à protéger de la souffrance, la nature pour freiner la crise écologique). On pourrait même dire : ne soit qu’un sujet de droit parmi les autres! Avec les conséquences. De fait, c’est  la fin de notre vision utilitariste de cette nature. Une revanche de cette nature dont nous avons tant voulu être « maîtres et possesseurs », via Descartes.

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Attribuer une sorte d’humanité aux arbres ?

Une décision politique est à prendre. Que cherchons-nous à propos de l’arbre ? L’intériorité ? L’existence liée à la nature ? Quel est le meilleur moyen ? Les arbres seront-ils mieux représentés ? Et si l’arbre objet devient sujet de droit, il y aura alors une échelle des sujets de droit. Et une révolution de la pensée. Evident, si le non-humain devient sujet de droit, il est nécessairement humain, selon la juriste novatrice !  Un bouleversement qui risque de susciter d’innombrables contestations.

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Entre la jungle et le désert (le Sahara illustre cette étonnante transition), il nous faut choisir notre prochaine utopie. Il nous faut réinventer notre part d’espoir. Un écologiste, Jacques T., glisse systématiquement en fin de message cette citation de Theodore Monod : « L'utopie ne signifie pas l'irréalisable, mais l'irréalisé. L'utopie d'hier peut devenir la réalité ». L’utopie aujourd’hui consiste à ré-habiter la terre autrement, à l’habiter différemment avec une population qui augmente et des ressources qui diminuent. Or les arbres et toutes les plantes font partie de nos ressources alimentaires…

Ainsi ce périple novateur lancé par les J.N.E. pour repenser le monde des plantes (des arbres aux pissenlits) est en soi une transformation : un véritable « changement culturel » ( J. Labbé) car l’arbre impose désormais le «  respect » (G. Feterman) au point de devenir  « sujet de droit » (G. Aïdan). Une vraie révolution qui aura de multiples conséquences écologiques, économiques et surtout politiques.

Jane Hervé

 (1) Ce compte-rendu du colloque quels droits pour les plantes ?  (11 mars 2021, animé par Carine Mayo) est paru sur le nouveau site des journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie. Géraldine Aïdan va publier L’invention du sujet psychique en droit, CNRS éditions.

Demain, suite de la légende de Guritha, princesse viking.

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