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Jane Hervé, le gué de l'ange

poésie des images et des lettres

« Je m’appelle Nemonte »

Photo de Nemonte Nenquimo.

Photo de Nemonte Nenquimo.

Il est  soudain un visage et quelques mots qui disent l’histoire d’une douleur et d’une lutte, celle de l’Amazonie. Un visage qui est à lui seul tout un peuple dit indigène dit autochtone dit premier…En vérité, un « peuple » qu’on ne sait même pas qualifier tant on a de vanité à se croire les uniques civilisés !

Ainsi en est-il de Nemonte cette femme qui, après la forêt en feu de Salgado (1), nous plonge autrement dans l’enfer amazonien : « Je m'appelle Nemonte Nenquimo, précise-t-elle. Je suis une femme Huaorani, une mère et une cheffe pour mon peuple. La forêt amazonienne est ma maison ». « Nemo » est la gardienne de la mangrove, des rios et de ses habitants.  Eduquée dans une école de missionnaires, elle comprend qu’on la pousse à abandonner son héritage culturel. Elle refuse. Elle veut préserver sa propre culture car elle a une vraie culture.

De fait, Nemo est « Equatorienne ». Cela a-t-il un sens d’appartenir à une nation quand on est une femme de la forêt, un être au milieu des arbres ? Elle vit à Nemonpare avec une cinquantaine d’habitants, au bord du rio Curaray  dans la province de Pastaza. Un lieu d’une immense beauté. Elle appartient au peuple des Huaorani (5 000 personnes).

Pour défendre son monde, Nemo a fondé l’ONG Alianza Ceibo en 2015. De nombreuses vidéos (présentées ci-dessous) nous introduisent dans le quotidien de ce peuple pacifique : cueillette des herbes médicinales, tressage des paniers, moulage de poteries à la géométrie simple et parfaite, préparation des farines avec d’étonnants pilons en bois (en forme des hachoirs berceuses de nos grands-mères), coupe des troncs pour construire un canoë  et même …observation d’un paisible jaguar pataugeant dans l’eau du rio. Un monde de paix et d’harmonie, une société complète. Alors on se demande pourquoi nous avons dérangé les corps et les esprits de ces êtres de la forêt.

Car la forêt est agressée, aujourd’hui par les compagnies pétrolières qui fouillent le sol pour remplir nos réservoirs d’essence. « Chaque fois, que je fais un plein à la station, je détruis quelques arbres », pensais-je. Nemo si volontaire mène la résistance avec les moyens dérisoires dont elle dispose.  Elle veut sauver les peuples autochtones du Nord de l’Equateur, les protéger de l’exploitation minière. Elle a déjà gagné une victoire contre la nation équatorienne et obtenu la suspension de la mise aux enchères de son territoire.  En 2018, elle est nommé présidente (une femme pour la première fois) du CONCONAWEP, le Conseil huaorani de la province de Pastaza. Aujourd’hui, elle est active contre la pandémie, craignant que les richesses naturelles de l’Amazonie n’attise plus les convoitises des pays riches.  : « La femme, dit elle, dirige le monde dans lequel nous vivons pour construire un meilleur avenir ».  L'hebdomadaire américain Time Magazine l’a désignée comme personnalité de l'année 2020

 

Elle impressionne tant elle est forte mais démunie, tant elle lutte pour que sa forêt, immense et essentielle, demeure une forêt avec des ressources durables. « Une femme formidable » me précise Sylvie Glissant, directrice de l’Institut duTout-Monde, ce défenseur énergique de toutes les cultures opprimées (2).  Elle soutient sa démarche qui incarne la pensée d’Edouard Glissant : « Agir dans ton lieu, pense avec  le monde » (Congrès des vents). Or le « lieu » de Némone, c’est bien cette Amazonie rongée par la mondialisation.

Jane Hervé

  1. Le Gué de l’ange, 10 octobre 2020
  2. L'INSTITUT DU TOUT-MONDE, fondé par Édouard Glissant en 2006, Maison de l'Amérique latine, 217 boulevard Saint Germain, 75007 Paris. Tel :  01 46 06 72 72. Mail : administration@tout-monde.com

. à Les vidéos sur Nemone et le peuple Huaroni:

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